La nouvelle PAC : une étape importante pour accélérer la transition agricole en Europe

Pascal Canfin
3 min readNov 23, 2021

Nous votons aujourd’hui le compromis final trouvé avec les Etats membres sur la nouvelle Politique agricole commune (PAC). Il s’agit du premier budget de l’Union européenne avec 242 milliards entre 2023 et 2027, et environ 10 milliards d’euros par an pour les agriculteurs français.

Je voterai ce texte car il introduit deux changements majeurs en matière de verdissement des pratiques agricoles.

Le premier est de conditionner le versement de 25% des subventions directes touchées par les agriculteurs (pilier 1 de la PAC) au respect de bonnes pratiques environnementales. Jusqu’à présent les aides en matière d’environnement (comme les aides au bio par exemple) étaient cantonnées au pilier 2 de la PAC et venaient donc en plus mais sans lien avec le coeur de la PAC que sont les subventions directes qui représentent 50 milliards par an. Nous franchissons donc clairement une étape de plus en conditionnant, en plus du pilier 2, 12,5 milliards d’euros par an de subventions à des “éco-régimes” qui vont fortement inciter les agriculteurs à en faire plus l’environnement. Bien sur un agriculteur qui peut se passer du quart des subventions qu’il touche de la PAC pourra échapper aux éco-régimes. Mais compte tenu de la situation économique générale des agriculteurs cela ne concernera qu’une toute petite minorité.

Le second est de conditionner le versement de la totalité des aides annuelles de la PAC aux Etats membres (qui ensuite les distribuent aux agriculteurs en fonction de critères individualisés) au fait que le plan national soumis à la Commission européenne soit “cohérent” avec les lois européennes en matière de climat et d’environnement. Jusqu’à présent la PAC devait légalement “contribuer” aux objectifs environnementaux de l’Union. Mais si vous devez parcourir 100 mètres et que vous n’en faites qu’un, vous avez bien “contribué” à faire 100 mètres mais.. vous êtes loin d’être “cohérent” avec le fait de parcourir ces 100 mètres. Si un plan n’est pas cohérent, c’est à dire qu’il ne fixe pas un système de distribution des aides qui ne permette pas de manière crédible d’atteindre les objectifs fixés par les lois européennes en matière de qualité de l’eau, de baisse des émissions de CO2 ou encore de qualité des sols, il ne pourra pas être validé par la Commission européenne. Reste la question spécifique des objectifs de la stratégie dite “Farm to fork” comme l’atteinte de 25 % de bio en 2030 ou la baisse de 50 % des pesticides d’ici 2030. Les Etats membres devront montrer comment leur plan stratégique permet l’atteinte de ces objectifs mais comme ceux-ci n’ont pas force de loi, il n’est pas possible de ne pas verser les crédits européens sur la seule base de leur non respect.

Au delà, les ONG de certains Etats membres s’emparent déjà des dispositions de ce texte pour pousser les gouvernements à rendre cohérents leurs plans stratégiques avec la transition agroécologique, et à revoir la mouture de leur texte en amont de leur approbation ou non par la Commission européenne. C’est exactement ce que nous recherchions et je m’en réjouis. Je note cependant le paradoxe consistant à demander aux députés européens de ne pas voter cette nouvelle Pac tout en utilisant déjà positivement les dispositions environnementales qu’elle offre grâce aux combats menés et remportés par le Parlement européen.

De nombreuses autres avancées (voir “le début d’une nouvelle ère pour la PAC”) viennent justifier que je soutienne sans hésitation le vote de cette nouvelle PAC avec un triptyque clé pour changer l’agriculture : plus de revenus pour les agriculteurs qui en ont besoin, plus de transformation agroécologique et plus de protection contre les pratiques déloyales comme les importations de produits qui utilisent des pesticides pourtant interdits en Europe. Sur ce dernier point des avancées importantes sont attendues, grâce notamment à notre action au Parlement européen, début 2022. Nous aurons l’occasion d’y revenir !

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Pascal Canfin

Député Renew Europe. Président de la commission ENVI du Parlement européen.